Hypnose : une pratique ancestrale qui fascine et intrigue – Découvrez ses origines et sa véritable nature
Qu‘est ce que l‘hypnose ?
A vrai dire je n’en sais rien … Je n’ai donc rien à vous dire sur ce sujet ? Bien sûr que non !
Ce que je veux dire c’est qu’il y a tellement de définitions, pas forcément contradictoires, de l’hypnose (état, processus, pratique, …), qu’il est parfois difficile pour le néophyte de s’y retrouver.
L’hypnose de spectacle a joué un rôle non négligeable dans la démocratisation de l’hypnose et certaines personnes ont forcément l’image de l’hypnotiseur qui aurait une sorte de pouvoir, de contrôle sur l’hypnotisé. Lorsqu’on me demande quel métier je fais, il y a encore des personnes qui ont un geste de recul ou de méfiance ou qui disent même parfois: « oh moi, je n’y crois pas à ce truc », « ça ne marche pas sur moi » ou « tu vas m’endormir ? ». Les réponses courantes sont alors: « l’hypnose c’est comme lire un livre ou regarder un film », « l’hypnose c’est comme quand tu conduis et que le temps passe différemment, que tu ne te souviens pas du trajet » ou « l’hypnose est un état de conscience modifié ».
Je vais donc tenter de vous proposer humblement une définition simple et concrète de ce que l’on entend par « hypnose » aujourd’hui, sans me plonger dans les concepts et les débats sur sa nature réelle et dresser un tableau non exhaustif de l’histoire de l’hypnose.
De nos jours quand on parle d’hypnose, on désigne principalement deux choses : un état et une pratique.
L’hypnose est un état psychologique naturel qu’on appelle aussi la transe hypnotique. Cette transe, nous la vivons régulièrement lorsque l’on est captivé, absorbé par quelque chose ou par quelqu’un. Notre attention est focalisée sur cette chose et tout le reste n’a plus d’importance, le temps semble s’écouler différemment. Concrètement, on peut être subjugué par la beauté ou le discours d’une personne, par un paysage magnifique, envoûté par une musique, pris par un film, emporté dans une conversation. Quelque chose dans le monde extérieur nous hypnotise, mais quelque chose à l’intérieur de nous peut aussi nous hypnotiser, et pas toujours de façon positive: pensées négatives; idées noires; ruminations, mais aussi et heureusement : rêveries; fantasmes; désirs; coup de foudre; … Dans ces moments, on est là sans vraiment être là. On pourrait entendre dire : « il est ailleurs » ou « il est dans la lune ». Les occasions d’être tellement absorbé par quelque chose que l‘on se coupe du monde extérieur sont nombreuses. Si vous avez déjà vécu quelque chose de similaire à ce que j’évoquais précédemment … alors vous avez déjà vécu la transe dans votre quotidien.
Cependant, bien que ces expériences de transe quotidienne soient courantes, la transe induite par un hypnothérapeute diffère souvent par son intensité et son intentionnalité. Lors d’une séance d’hypnose thérapeutique, la transe est délibérément induite pour atteindre des objectifs spécifiques, tels que la relaxation profonde, l’exploration de soi, ou l’instauration de changements positifs dans la pensée et le comportement. C’est cette différence de profondeur et de direction qui distingue l’hypnose thérapeutique de nos expériences de transe quotidiennes, en faisant un outil puissant pour le changement personnel et le bien-être mental. Dans le prochain paragraphe, nous explorerons plus en détail le processus et les méthodes utilisées dans la pratique de l’hypnose thérapeutique
L’hypnose est aussi une pratique regroupant un ensemble de techniques qui sert à créer volontairement cette transe chez un individu, ou un groupe d’individus, à des fins thérapeutiques, d’exploration intérieure ou de divertissement. L’objectif de l’hypnose thérapeutique est d’accompagner une personne en transe dans laquelle elle va pouvoir utiliser différemment sa pensée, son imagination, ses perceptions, ses sensations. C’est lui apprendre à plonger à l’intérieur d’elle-même pour y trouver les solutions à son problème. L’hypnose est un facilitateur de changement. On accède à un niveau subconscient qui gère les blocages, les peurs, les limites afin de les dépasser, d’ancrer des changements positifs et de créer des apprentissages à un niveau profond.
© Charlotte Martin
Dans ma pratique, j’utilise principalement deux grandes techniques :
- Les phénomènes hypnotiques dits « idéomoteurs » qui impliquent des mouvements musculaires involontaires. Ce phénomène, à la fois psychologique et physiologique, se produit lorsque la personne exécute des mouvements sans en avoir conscience, sans préméditation et sans intervention de la volonté. Par exemple, lorsque vous acquiescez à une question, vous faites un mouvement de la tête de bas en haut de manière automatique, sans contrôle conscient. Essayez d’ailleurs de faire ce même mouvement en prononçant le mot « non » ; vous constaterez à quel point cela peut être perturbant. Ces mouvements, qu’ils concernent la tête, les doigts, les mains ou les bras, sont utiles en hypnose thérapeutique pour accéder à des informations inconscientes et valider le travail en cours à un niveau inconscient.
- Le rêve hypnotique où la personne explore des scénarios et des solutions dans un état de transe. L’hypnotisé est invité à imaginer des situations souvent en réponse à des suggestions spécifiques. Ce processus permet d’explorer les pensées, les émotions, les souvenirs et les solutions potentielles associés à des problèmes personnels.
Bien qu’il existe d’autres approches, ces deux techniques sont au cœur de mon travail thérapeutique.
D‘où vient l‘hypnose ?
Les origine lointaines de la transe hypnotique commencent avec l’apparition de l’homme sur Terre. Dès les premiers moments de l’humanité, les individus ont expérimenté des états de conscience modifiée, souvent liés à des rituels, des pratiques spirituelles ou des cérémonies. L’hypnose, sous différentes formes, a donc une histoire qui remonte à l’aube de la civilisation.
Si l’on se penche sur des exemples historiques, on peut constater que les anciennes civilisations utilisaient des techniques similaires à l’hypnose. Les prêtres égyptiens, par exemple, pratiquaient des rituels incluant des suggestions verbales pour influencer l’esprit des individus. De même, dans les cultures amérindiennes, on retrouvait des pratiques chamaniques impliquant des états de transe pour accéder à des connaissances spirituelles.
L’hypnose telle que nous la connaissons aujourd’hui a également été influencée par des figures importantes au cours de l’histoire.
Au XVIIIe siècle, Franz Anton Mesmer, un médecin allemand, a joué un rôle prépondérant dans l’émergence de l’hypnose moderne. Souvent considéré comme l’une des figures fondatrices de cette discipline, Mesmer a introduit la théorie du « magnétisme animal« , qui a jeté les bases de ce qui allait devenir l’hypnose thérapeutique. Il croyait en l’existence de forces invisibles circulant à travers les corps, qu’il manipulait pour guérir les maladies mentales et physiques. Ses séances impliquaient des gestes théâtraux, des passes magnétiques et des suggestions pour induire un état de transe chez ses patients.
Il est important de souligner que les théories et les pratiques de Mesmer diffèrent considérablement de l’hypnose moderne. Ses méthodes, souvent controversées, ont été critiquées par ses contemporains scientifiques. De plus, l’influence de croyances ésotériques et mystiques a marginalisé sa pratique dans le domaine médical traditionnel de l’époque de Lumières. Malgré cela, Mesmer a laissé un héritage durable dans l’histoire de l’hypnose, stimulant l’exploration et le développement ultérieur de cette discipline vers des approches plus rigoureuses et scientifiques.
En 1819, le terme « hypnose » est mentionné pour la première fois par un médecin français, Étienne Félix d’Henin de Cuvilliers. Cependant, c’est grâce aux travaux du chirurgien écossais James Braid que ce terme connaît une popularité croissante. Dans son ouvrage « Neurypnologie, Traité du sommeil nerveux ou hypnotisme » publié en 1843, Braid donne une définition de l’hypnose comme un « état de sommeil nerveux« , mettant en lumière la relaxation profonde et l’attention concentrée induites par la suggestion. Il utilise cette méthode, notamment pour obtenir l’anesthésie lors d’interventions chirurgicales, bien avant l’utilisation de l’éther en anesthésie aux États-Unis en 1842 et en France en 1847.
Parallèlement à cette définition, James Braid introduit également une nouvelle méthode d’induction en hypnose : la fixation du regard sur un objet brillant. Cette technique, innovante pour l’époque, se démarque des approches traditionnelles des magnétiseurs, qui utilisaient principalement des passes magnétiques. La méthode de Braid a contribué à différencier l’hypnose de l’état de sommeil ordinaire et à établir de nouvelles bases pour son application thérapeutique. Son influence s’est rapidement étendue au-delà des frontières de l’Écosse, en France notamment, où ses travaux ont été présentés et étudiés par des médecins et des intellectuels, renforçant ainsi la légitimité de l’hypnose en tant que pratique médicale et scientifique essentielle.
Au cours du XIXe siècle, l’hypnose continue d’évoluer et de susciter l’intérêt de nombreux chercheurs et praticiens. Parmi eux, on retrouve deux figures majeures : Jean-Martin Charcot et Hippolyte Bernheim, tous deux professeurs de médecine et neurologue
De 1882 à 1892, c’est l’âge d’or de l’hypnose en France. Cet âge d’or se caractérise par des débats intenses entre deux écoles: l’école de la Salpêtrière à Paris avec Charcot et l’école de Nancy de Berheim.
Pour Charcot, l’hypnose est un état pathologique qui n’est présent que chez certaines catégories de patients: les hystériques. L’hystérie est alors décrite comme une névrose « que l’on ne rencontre que chez les femmes » …
Bernheim définit l’hypnose comme un simple sommeil produit par la suggestion et susceptible d’applications thérapeutiques. Il définit la suggestion comme « l’influence provoquée par une idée suggérée et acceptée par le cerveau ». En 1903, il commence à abandonner progressivement l’utilisation de l’hypnose, soutenant que les suggestions peuvent être efficaces sans nécessiter un état particulier de conscience, en se fondant sur une méthode qu’il nomme la psychothérapie.
Après Bernheim et Charcot, d’autres figures majeures de la psychologie ont contribué à façonner notre compréhension de l’hypnose et de la psychothérapie.
Pierre Janet, éminent chercheur, a profondément marqué le domaine de l’hypnose et de la psychologie. Considéré comme un génie de l’hypnose expérimentale et de la recherche psychologique, Janet a consacré sa carrière à explorer les mécanismes de l’esprit humain. Ses travaux novateurs sur les automatismes et la psychologie fondamentale ont jeté les bases de nombreux concepts psychologiques modernes. Les contributions de Pierre Janet dans les neurosciences et la psychologie clinique inspirent toujours la recherche actuelle, offrant de nouvelles perspectives sur la conscience et l’inconscient.
Sigmund Freud a été influencé par les travaux Charcot sur l’hypnose. Cependant, Freud a finalement abandonné l’hypnose en faveur de sa propre méthode de psychothérapie, qu’il a appelée la psychanalyse. Pour Freud, l’hypnose offrait un accès à l’inconscient, mais il a préféré explorer les mécanismes psychiques à travers d’autres techniques, telles que l’association libre et l’analyse des rêves. L’émergence de la psychanalyse va donc reléguer l’hypnose à une thérapie jugée archaïque.
La naissance de la psychanalyse à la fin du XIXe siècle et au début du XXe marque donc la fin de l’hypnose en Europe.
Il faut attendre les années 1950 aux Etats-Unis pour qu’un psychiatre américain, Milton Erickson, révolutionne la pratique de l’hypnose. De nombreuses biographies ont été écrites à son sujet, j’irais donc ici à l’essentiel.
L’hypnose dites « ericksonienne« , se distingue par son approche souple et indirecte, axée sur l’utilisation du langage, des métaphores et des suggestions indirectes pour induire un état hypnotique et favoriser le changement thérapeutique. Jusqu’alors l’hypnose ressemblait à une sorte de sommeil profond, elle était d’ailleurs surtout utiliser pas les dentistes pour sa capacité à faire oublier la douleur. Erickson cherche la participation du sujet, considérant que l’inconscient est un réservoir des ressources dans lequel tout individu peut puiser pour trouver les solutions à ses problèmes. Erickson aurait eu plus de 30 000 patients avec des séances pouvant durer plus de dix heures ! Il est incontestablement une référence, notamment en France, où la plupart des hypnothérapeutes se revendiquent de l’école « ericksonienne« .
Pour finir, l’hypnose elmanienne, basée sur les travaux de Dave Elman, l’un des plus grands hypnotiseurs du XXe siècle, se caractérise par une approche plus directive et structurée, avec des inductions rapides et des techniques de suggestion directe. L’apport d’Elman fut considérable, notamment en hypnose médicale et opératoire, mais aussi dans le domaine de l’hypnose thérapeutique en général. L’hypnose médicale se distingue par son application spécifique dans le domaine de la santé et de la médecine. Elle est utilisée pour soulager la douleur, faciliter les procédures médicales telles que les interventions chirurgicales et les accouchements, en complément ou en remplacement des méthodes traditionnelles d’anesthésie et de gestion de la douleur.
Au fil du temps, l’hypnose a évolué et s’est diversifiée, trouvant sa place dans des domaines variés tels que la psychologie, la médecine et même le divertissement. Aujourd’hui, elle est de plus en plus utilisée dans le cadre de l‘accompagnement pour aider les individus à surmonter des problèmes tels que le stress, les phobies ou les troubles du sommeil.
L’hypnose, en tant qu’outil thérapeutique, continue d’évoluer et de susciter l’intérêt, démontrant ainsi sa capacité à traverser les siècles tout en s’adaptant aux besoins changeants de la société.
La rédaction de la partie « D’où vient l’hypnose ? » a largement était documentée par: Brice Lemaire, Histoire de l’hypnose, Satas, 2022