Hypnothérapie

L’autohypnose: Qu’est ce que c’est ? Comment l’utiliser ?

Depuis l’aube de l’humanité, on retrouve des pratiques consistants à entrer dans un état second à des fins diverses: méditation, rituels chamaniques, danses extatiques, prières, incantation… Plus souvent collectives qu’individuelles, ces pratiques étaient utilisés pour faciliter la connexion avec des réalités spirituelles ou transcendantales, ainsi que pour accéder à des états modifiés de conscience propices à la guérison, à la vision et à la créativité.

Au XXe siècle en Occident, les valeurs sociales et culturelles changent. Ces changements sont caractérisés par une focalisation croissante sur l’individu, son autonomie, ses aspirations personnelles. C’est dans ce contexte que naît l’autohypnose mais aussi ce que l’on appelle le “développement personnel”, notamment au Etats-Unis avec le mouvement New Age et la psychologie humaniste. Dans les années 80 des auteurs comme Tony Robins mettent l’accent sur la gestion du temps, la productivité, le leadership. Aujourd’hui c’est un business florissant avec une multitude de coach de vie, de conférence “gratuites” avec l’injonction de “devenir une meilleure version de soi-même”. Cette approche du développement personnel, axée sur la performance individuelle, est souvent critiquée pour sa contribution à une culture de compétition et de pression constante pour s’améliorer. En mettant l’accent sur la productivité, le leadership et le perfectionnement personnel, elle peut engendrer du stress et de l’anxiété, tout en négligeant les problèmes sociaux plus larges et en mettant la responsabilité du succès ou de l’échec uniquement sur les individus.

Néanmoins de plus en plus de personnes cherchent des moyens d’améliorer leur vie dans tous les domaines: santé, relations, carrière ou bien être émotionnel et on ne peut l’ignorer. Et si cette quête de bien-être et de développement était à porter de main, simplement en y consacrant chaque jour quelques dizaines de minutes ? Une pratique émerge comme une solution accessible : l’autohypnose.

L’autohypnose est une technique qui permet à une personne d’induire un état hypnotique sur elle-même, sans l’aide directe d’un hypnothérapeute. Bien sûr, cette technique ne règle pas tout et parfois l’aide d’un professionnel est nécessaire, mais elle permet déjà d’améliorer significativement son bien-être en y consacrant un minimum de temps et de régularité.. D’autre part, pour les personnes qui consultent un hypnothérapeute, l’autohypnose apparaît comme la possibilité de poursuivre le travail “à la maison”. C’est une des approches que je privilégie dans mes séances: un moment pour enseigner les bases de l’autohypnose afin que mes consultants gagnent en autonomie.


Qu’est ce que l’autohypnose n’est pas ?

J’insiste sur ce point: l’autohypnose ne peut pas toujours remplacer une séance avec un hypnothérapeute ou un professionnel de santé, notamment dans le cas de problématiques complexes telles que les psycho-traumas par exemple. Dans de telles situations, il est essentiel de consulter un médecin, un psychologue clinicien ou un psychiatre qualifié.

L’autohypnose n’est pas non plus une séance d’hypnose guidée comme vous pouvez en trouver sur YouTube ou d’autres plateformes. Même si ces séances peuvent faire beaucoup de bien, elles sont construites pour s’adapter au plus grand nombre. En autohypnose vous êtes votre propre guide, vous êtes libre de construire votre expérience sur mesure.

Ce n’est pas non plus de la relaxation. Elle peut bien sûr avoir un effet de relaxation mentale et/ou physique mais l’objectif est d’obtenir des résultats, des changements au fur à mesure des séances et cela n’est pas toujours relaxant et agréable.

Une expérience hypnotique qu’elle soit réalisé seul ou en cabinet demande de la concentration, de l’énergie. Si l’autohypnose se transforme en sieste les résultats attendu ne seront pas au rendez vous. Cela dit je vous encourage si vous le pouvez à faire une sieste quotidienne, de nombreuses études ont montré ces bienfaits.


A quoi sert l’autohypnose ?

Explorer et travailler sur des difficultés et des obstacles que la simple volonté ne parvient pas toujours à surmonter.

“Quand la volonté et l’imagination sont en lutte, c’est toujours l’imagination qui l’emporte, sans aucune exception”

Emile Coué, De la suggestion et de ses application, 1926

Vous avez probablement remarqué que dans certaines situations, plus nous désirons quelque chose, moins elle semble accessible : par exemple, plus nous essayons de dormir, plus il devient difficile de trouver le sommeil ; ou encore, plus nous essayons de ne pas être stressés, plus le stress semble présent. Ce phénomène découle de notre perception de la réalité, influencée par nos émotions, nos croyances et notre imagination. En réalité, la réalité que nous percevons est une construction personnelle, façonnée par les histoires que nous nous racontons sur nous-mêmes, sur les autres et sur le monde qui nous entoure. En hypnose, votre imagination est capable de façonner votre réalité. Des études montrent que le cerveau ne fait pas toujours de distinction nette entre ce qui est réel et ce qui est imaginaire. Par exemple, lorsque nous nous imaginons faire du vélo, les mêmes régions cérébrales sont activées que si cette situation était réelle. Comprenez-vous déjà l’intérêt de vivre des expériences hypnotiques et de pratiquer l’autohypnose ? Voici quelques exemples concrets d’applications:

Gérer le stress

Entrer en état d’hypnose pour y vivre une expérience apaisante, relaxante, voir amusante, peut être un excellent moyen d’appuyer sur la pédale de frein, de relâcher la pression. Peut être que cela ne sera pas suffisant pour éliminer tout stress quotidien mais passer quelques dizaines de minutes par jour dans état de repos nerveux pourra avoir une grande influence sur le long terme. Un peu comme l’effet relaxant d’un bon bain chaud qui continue même après être sorti du bain.

Apprendre à mieux dormir, mieux s’endormir, mieux se coucher

Tous le malheurs des hommes vient d’une seule chose qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre

Blaise Pascal

Les problèmes de sommeil sont souvent liés à une trop grande vigilance avant le couché. On passe la soirée à regarder la télévision, à consulte son smartphone, des instants qu’on considère comme des moments de détente mais qui n’en sont pas réellement. Puis une fois dans son lit, on refait sa journée, ou on anticipe la suivante. Notre esprit est traversé par un flot continuel de pensées. Cela peut être intéressant mais ce n’est ni le bon moment, ni le bon endroit car la chambre devrait être le lieu de deux choses très importantes: Dormir et faire l’amour … L’autohypnose peut permettre par exemple de créer un état d’esprit qui soit favorable à l’endormissement et à la qualité du sommeil, d’apprendre à se couper des pensées ou du monde extérieur.

Se débarrasser d’une peur ou d’une phobie (ou la rendre acceptable)

La peur est un mécanisme d’auto-défense qui a permis à l’être humain de survivre à travers les âges. Elle n’est un problème que quand elle est mal réglée. On parle de peurs irraisonnées ou encore de phobies. L’autohypnose peut permettre de calibrer cette peur, de faire les bons réglages. On sait également que plus on évite l’objet de la peur plus celle ci augmente. On peut alors s’imaginer une expérience hypnotique dans laquelle on va s’exposer de manière graduelle à ce qui crée cette peur et cela en toute sécurité, un peu à la manière d’un casque de réalité virtuelle. Au bout d’un certain temps cette exposition progressive en hypnose fait office d’entraînement dans la vie réel. En hypnose je me suis retrouvé dans la même pièce qu’une araignée et c’était acceptable, je suis donc mieux préparer à vivre ce moment dans la réalité.

Les domaines dans lesquels l’autohypnose peut être appliquée sont nombreux, et j’ai présenté ici seulement quelques exemples pour ne pas surcharger la lecture de cet article. Cependant, il est important de souligner que l’autohypnose ne se limite pas à résoudre des problèmes. C’est également un outil puissant pour développer des compétences, stimuler la créativité et améliorer les performances dans divers aspects de la vie

Améliorer ses performances et l’apprentissage

L’intelligence ce n’est pas ce que l’on sait, mais ce que l’on fait quand on ne sait pas.

Jean Piaget

Faire face à des situations inconnues ou complexes de manière créative et efficace est souvent nécessaire pour améliorer l’apprentissage et les performances dans divers domaines.

L’autohypnose peut aider à développer la capacité à trouver des solutions innovantes à des problèmes complexes. Elle favorise la pensée créative et la génération d’idées originales, même dans des situations où les connaissances préalables sont limitées.

Que ce soit dans le domaine sportif, artistique ou scolaire, l’autohypnose peut permettre, par exemple, d’augmenter sa confiance et de semer des idées. Rappelez-vous, l’imagination surpasse la volonté. Si vous êtes convaincu d’être meilleur, plus fort, plus créatif, vous le serez, car ce que vous imaginez peut devenir votre réalité.

De plus, l’autohypnose peut également améliorer la concentration en créant une bulle autour de soi pour s’isoler des perturbations extérieures. En somme, les possibilités sont infinies, limitées uniquement par votre imagination

Prendre du temps pour soi

En plus de ses nombreux bienfaits pour résoudre des problèmes spécifiques et améliorer les performances, l’autohypnose peut également être pratiquée simplement pour le plaisir. Se plonger dans un état hypnotique peut offrir une expérience de bien-être profond, permettant de voyager intérieurement et d’explorer les méandres de l’esprit. C’est une occasion de se détendre complètement, de s’évader du stress quotidien et de se connecter avec soi-même d’une manière unique. Que ce soit pour explorer des sensations agréables, revivre des souvenirs plaisants ou simplement pour se relaxer, l’autohypnose peut être une expérience enrichissante et gratifiante en soi.


Un peu d’histoire pour mieux comprendre

Pour mieux comprendre l’évolution de l’hypnose et l’apparition de l’autohypnose en tant que pratiques thérapeutiques, il est essentiel de remonter dans le temps jusqu’au XIXe siècle, l’âge d’or de l’hypnose en France. À cette époque, des médecins français ont commencé à expérimenter et à débattre de la nature de l’hypnose.

A la Salpêtrière, Charcot hypnotise Blanche (Marie) Wittman – Par André Brouillet, 1887

Deux écoles de pensée se sont alors affrontées : d’un côté, l’école de la Salpêtrière à Paris, dirigée par Charcot, qui associait l’hypnose à l’hystérie ; de l’autre, l’école de Nancy, avec Bernheim, qui considérait l’hypnose comme l’activation d’une capacité normale du cerveau, la suggestibilité “c’est à dire l’aptitude à être influencé par une idée acceptée et en rechercher la réalisation”. C’est cette dernière proposition qui retient notre attention, car elle place la suggestion au cœur de l’hypnose.

Pont-Calé, 1890, Le professeur Charcot, dessin de Luque, coll. « Les hommes d’aujourd’hui », vol. 7, n° 343. Collection personnelle Jacqueline Carroy

L’autohypnose, quant à elle, consiste à s’hypnotiser soi-même et à suggérer des changements à son propre cerveau : lui confier des tâches, proposer des réflexions, ou effectuer des ajustements. On parle alors d’autosuggestion.

En 1922, Emile Coué, psychologue et pharmacien français, publie « La maîtrise de soi-même par l’autosuggestion consciente », exposant sa célèbre « méthode Coué ». Selon lui, l’autosuggestion est plus efficace que la simple volonté pour atteindre ses objectifs. Sa méthode, reposant sur la répétition de formules positives telles que « Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux ». Coué a également mis en évidence l’importance de l’effet placebo, où les croyances du patient influencent positivement les résultats d’un traitement. Ses travaux ont marqué l’histoire de la psychologie et de la médecine.

En 1932, Johannes Schultz, psychiatre allemand, invente le « training autogène », une technique de relaxation par autosuggestion. Contrairement à la méthode de Coué, celle de Schultz implique le corps.

Ces deux approches, bien que distinctes, sont considérées comme les racines de ce que nous appelons aujourd’hui l’autohypnose : une technique idéo-corporelle visant à réduire les troubles psychosomatiques, à favoriser le bien-être général et à atteindre ses objectifs.

Dans les années 60-70, d’autres praticiens, tels que Leslie Lecron, Marcel Rouet et José Silva, ont contribué à enrichir cette pratique.


Passons à la pratique !

Exercice 1: la spirale sensorielle (Betty Erickson)

La spirale sensorielle, parfois appelée la « spirale des sens », est une technique d’autohypnose développée par Betty Erickson, l’épouse du célèbre psychiatre et hypnothérapeute Milton Erickson. Bien qu’elle soit parfois utilisée en cabinet, je préfère personnellement ne pas l’employer dans mes séances, trouvant qu’elle manque de dynamisme et ne permet pas de vérifier pleinement l’engagement du consultant. Cependant, je pratique régulièrement cette technique à titre personnel pour me déconnecter et me relaxer. J’ai légèrement modifié le protocole enseigné dans les écoles d’hypnose pour l’adapter à mes préférences personnelles: il n’y a pas de suggestions ni d’objectifs précis. Prenez le simplement comme une exploration, une méditation, et soyez curieux de ce qui se passe.

Cette méthode consiste à se concentrer successivement sur trois sens : la vue, l’ouïe, les sensations corporelles. Vous allez voir c’est très simple ! Cet exercice de focalisation sensorielle progressive permet d’induire un état de relaxation profonde et de concentration.

Exercice 2: La méthode idéo-corporelle (Antoine Garnier)

L’exercice que je vous présente ici est largement inspiré de la méthode idéo-corporelle d’Antoine Garnier, hypnothérapeute et formateur. « Une approche qui combine la suggestion physique et l’hypnose mentale, l’automatisme et l’imaginaire … ».

Si vous souhaitez sérieusement vous initier à l’autohypnose, je vous conseille d’ailleurs son livre Autohypnose: 20 exercices pour se sentir mieux, Hachette, 2018

Vous pouvez faire cet exercice debout ou assis.e. mais je vous invite à le faire debout pour vous rendre compte que l’hypnose n’est pas nécessairement un état dans lequel on est assis les yeux fermé. Cependant vous pouvez fermer les yeux à tout moment de l’expérience si vous en sentez l’envie ou le besoin.

Pour conclure

L’autohypnose se révèle être une pratique fascinante et accessible qui offre un potentiel immense pour améliorer son bien-être mental, émotionnel et même physique. En pratiquant l’autohypnose, vous découvrirez un univers riche en possibilités, où l’imagination et la suggestion peuvent devenir des alliés puissants dans votre quête de développement personnel et de mieux-être.

Que ce soit pour gérer le stress, améliorer le sommeil, surmonter des peurs ou stimuler la créativité, l’autohypnose offre des possibilités infinies pour explorer et transformer votre monde intérieur. En pratiquant régulièrement des exercices simples et en restant ouvert à l’expérience, chacun peut découvrir les bienfaits de cette pratique.

Alors, je vous encourage à vous aventurer dans le monde de l’autohypnose, à explorer vos propres capacités et à découvrir les merveilles qui vous attendent au-delà de la conscience ordinaire. Que votre voyage soit rempli de découvertes, de guérison et d’épanouissement. Et rappelez-vous, vous détenez déjà en vous le pouvoir de changer et de transformer votre vie.

Bon voyage !

Bibliographie:

  • Brice Lemaire, Histoire de l’hypnose, Satas, 2022
  • Antoine Garnier, Autohypnose, 20 exercices pour se sentir mieux, Hachette, 2018
  • Marcel Rouet, La Maîtrise de votre subconscient : La solution de vos problèmes personnels par l’auto-hypnose associée à la pensée créatrice, 2e éd., 1999
  • José Silva et Robert B. Stone, La face cachée de vous-même: Méthode Silva, 1998
  • Leslie Le Cron, L’auto-hypnose sa technique et son utilisation dans la vie quotidienne, 1965
  • Emile Coué, La maîtrise de soi-même par autosuggestion consciente, 1926